Ce lundi, les Chambres réunies de la Cour suprême du Sénégal se sont penchées sur une procédure exceptionnelle : le rabat d’arrêt introduit par les avocats de M. Ousmane Sonko, visant à contester une décision rendue le 4 janvier 2024 par la Chambre pénale de la même juridiction. Cette démarche intervient dans un contexte post-amnistie, où les enjeux juridiques restent malgré tout sensibles.
Le rabat d’arrêt est un recours rare, réservé aux situations où une erreur de procédure est reprochée aux juges de la Cour suprême elle-même, sans qu’aucune des parties ne puisse en être tenue responsable. Selon le collectif d’avocats de M. Sonko, la Chambre pénale aurait violé la Loi organique en refusant de surseoir à statuer et de saisir le Conseil constitutionnel au sujet de la constitutionnalité de l’article 260 du Code pénal, au cœur du litige.
Me Ciré Clédor Ly, avocat de la défense, estime que les dispositions légales en vigueur imposaient à la Cour de suspendre sa décision et de renvoyer la question de droit constitutionnel aux « sages ». Ce manquement, selon lui, constitue une violation grave des garanties fondamentales de procédure.
L’audience a également été marquée par une forte tension entre les parties. D’un côté, les avocats de M. Sonko ont insisté sur le respect de la hiérarchie des normes et sur l’importance de la séparation des pouvoirs. De l’autre, les conseils de M. Mame Mbaye Niang, adversaire politique de Sonko dans cette affaire, se sont montrés virulents. Me Clédor Ly dénonce même une plaidoirie marquée par l’animosité personnelle, au détriment de la rigueur juridique.
Dans une prise de position attendue, le Procureur général près la Cour suprême a invité les Chambres réunies à déclarer la demande sans objet, au motif qu’entre-temps, la loi d’amnistie adoptée en mars 2024 a effacé les poursuites liées à cette affaire. Un argument juridique qui vise à clore définitivement le dossier, en neutralisant les suites procédurales.
La Cour suprême a mis l’affaire en délibéré. Le verdict est attendu ce jour même à 15h30. Quelle que soit l’issue, cette décision marquera une nouvelle étape dans un feuilleton judiciaire qui, au-delà des considérations strictement légales, soulève des questions de fond sur l’indépendance de la justice, le respect des droits fondamentaux, et la portée réelle de l’amnistie dans le paysage politique sénégalais.
Affaire à suivre.