Le 1er mai 2025 ne ressemble en rien à une fête. Ce jour censé honorer la dignité du travailleur et consacrer ses luttes devient, au Sénégal, le miroir brisé d’un espoir trahi.
Au lieu de célébrer le courage de ceux qui bâtissent ce pays dans l’ombre des discours, le climat est à l’angoisse, à la répression et à la précarité. Des milliers de travailleurs jetés à la rue sans accompagnement. Des chantiers publics à l’arrêt, laissant derrière eux des ouvriers livrés à eux-mêmes. Des soignants contractuels ignorés, après avoir porté à bout de bras un système de santé fragilisé. Des enseignants dans l’attente d’une régularisation toujours repoussée.
La rupture promise s’est transformée en une continuité brutale : celle d’une injustice sociale banalisée.
Le symbole est fort : à Dakar, le discours du ministre du Travail, Abass Fall, a été interrompu par des agents licenciés venus protester contre leur mise à l’écart brutale. Le silence du gouvernement face à cette détresse est assourdissant. Ce moment de vérité, survenu en pleine cérémonie officielle, met à nu l’écart abyssal entre les promesses politiques et la réalité des travailleurs.
Mais la gravité de la situation dépasse le champ du social. Ce 1er mai est aussi marqué par des atteintes sans précédent à la liberté d’informer. Plusieurs organes de presse ont été fermés sur décision administrative. Des journalistes convoqués à la Direction de la surveillance du territoire. Des médias indépendants réduits au silence, dans un contexte où la parole libre devient une menace à neutraliser.
Quand le pain manque et que la voix s’éteint, c’est tout un pays qui vacille.
Peut-on sérieusement parler de fête du travail quand ceux qui font tourner les hôpitaux, les écoles, les chantiers et les rédactions vivent dans la peur, le mépris ou l’oubli ? Quand l’État, censé garantir les droits, devient le premier pourvoyeur de précarité ?
Ce 1er mai 2025 ne doit pas être un rituel vide. Il doit être un cri d’alarme, un appel à la conscience collective. Car on ne construit pas un « Sénégal nouveau » sur la peur, la censure et les licenciements massifs. On le construit sur trois piliers essentiels : la justice sociale, la dignité des travailleurs, et la liberté d’informer.
À défaut, nous continuerons à célébrer un 1er mai sans travailleurs… et un avenir sans perspectives.
El Hadji C. KANE
Administrateur du Groupe Ledakarois