Au-delà de son aspect culturel se cache un foret plein demystères. Lecture socio-anthropologique du sens du balai du vieux Nouha Badji.
L’Afrique a bien ses us et coutumes que le profane ignore.
Amadou Hampâté Ba nous enseignait « qu’en Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brule. »
Birago Diop l’a si bien compris qu’il écrit dans son poème intitulé Le Souffle des ancêtres dans Leurres et Lueurs, « Ecoute plus souvent les choses que les êtres, la voix du feu s’entend, entends la voix de l’eau. Ecoute dans le vent le buisson en sanglot : C’est le souffle des ancêtres. » Cela veut
dire que le négro-africain entretient avec la nature des rapports de surnaturalité qui dépassent à première vue le sens simple des choses. Symbole de connaissance et de sagesse, le vieux NOUH BADJI apparait comme le patriarche, détenteur de savoir, naturel comme surnaturel, mais surtout dépositaire du legs caché à l’œil du profane, et dont la transmission du savoir de second degré, comme le disait le très haut cheikh Anta Diop, donnait le sentiment de la continuité historique, en terme de legs générationnel.
En termes simples, Cela vaut dire aussi que les personnes âgées sont détentrices de pouvoirs, de connaissances que les générations actuelles, parce qu’elles ont été à l’école, risquent de ne pas en bénéficier. L’eau du fleuve se perd lorsqu’elle n’a pas de mer où se déverser. Le savoir se perd lorsque les mécanismes de transmission intergénérationnelles se fond via des canaux inappropriés et se délite dans le temps pour ne devenir qu’une simple rumeur. Le grand maitre Djibril Tamsir Niane disait justement que « le monde est vieux, mais l’avenir sort du passé ». A condition justement que e passé soit écrit. Aujourd’hui, nous pouvons fixer à jamais, grâce à
de l’écriture, certaines connaissances. C’est à cet exercice que nous nous livrons à travers cette réflexion.
Nous sommes allés à Diatock et avons profité pour échanger avec le vieux Nouha Badji, une icône vivant dans ce village du département de Bignona. Nous avons voulu savoir le sens à donner au balai qu’il a remis à Bassirou Diomaye Diakhar Faye, la ceinture qu’il avait remis à Ousmane Sonko en 2019. Les explications fournies par le vieux ajoutées à notre expérience personnelle, notre connaissance de certaines pratiques culturelles ou cultuelles, en tant que fils du terroir, guideront notre analyse. Aborder la question du symbolique du balai de manière globale, et celui remis à Diomaye de façon particulière, revient à chercher à appréhender la vie même de l’homme noir dans ses relations avec les éléments de la nature notamment les objets fabriqués.
L’africain ne fait rien au hasard. Tout acte posé traduit un symbolique de communication, qui renferme
beaucoup de secrets à percer.
Voilà pourquoi nous sommes tentés, dans cette réflexion, de faire ressortir les significations essentielles à donner au balai du vieux NOUHA BADJI et qu’il a remis au candidat d’alors, le président Bassirou Diomaye Faye pour faire connaitre le sens et la portée politique, voire même social, au-delà de la symbolique dans tous les systèmes de représentation dans le contexte africain. En donnant le balai au candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye, devenu par la suite président de la république du Sénégal, le vieux Nouha Badji n’était pas à son premier coup d’essai avec ses formules imagées, ces paraboles dignes de symboles de la quête et de la gestion
du pouvoir, de l’unité d’un peuple. Rappelons que c’est lui qui avait donné la ceinture servant à monter sur les palmiers ou rôniers à Ousmane Sonko Le vieux Nouha possède une connaissance large de la feuille de palmier.
La ceinture ou le « kandamb » en diola est fabriquée à partir de la tige qui porte les tigettes utilisées pour
fabriquer le balai. Il permet de monter jusqu’au sommet du palmier ou du rônier.
Au-delà de cette utilité susmentionnée, le « Kandamb » (ceinture) a une autre signification ésotérique. Il
symbolise le pouvoir. Pour cueillir les régimes de palme, récolter le vin de palme ou les fruits de rônier plus connus sous le vocable de « koni », il faut monter très haut, être au-dessus des activités des hommes sur terre, avoir une photographie panoramique de l’espace –temps, en s’élevant au-dessus des humains pour que la réalité, le sens caché des choses, vous apparait dans toute sa splendeur. Le palmier et le rônier sont des arbres généralement hauts dans le ciel, des arbres d’un gigantisme majestueux. Ses deux arbres symbolisent le sommet, le trône. Si deux ou plusieurs personnes peuvent monter en même temps sur certains arbres, le palmier et le rônier ont la particularité de ne pouvoir être montés par plusieurs personnes en même temps. Seule une personne peut monter. Une autre personne ne peut monter qu’à la descente d’un autre. Le pouvoir est ainsi fait.
Tout prétendant au fauteuil ne peut attendre qu’à la fin du mandat de l’autre occupant du fauteuil, sa descente.
La symbolique du pouvoir apparait donc à travers ces deux géants (palmiers et rôniers), comme une quête
permanente des sommets, quête devant être guidée par la patience et l’attente, qui sont des vertus essentielles pour les hommes de pouvoir. Le vieux Nouha Badji avait-il préparé le président Ousmane Sonko à l’exercice du pouvoir lorsqu’il lui avait remis la ceinture du rônier en 2019? En a-t-il fait de même avec le président Bassirou Diomaye Faye lorsqu’en pleine campagne électorale, un balai apparait subitement des mains du futur président ? Quel est le sens du balai du président Faye et quel symbole, mystère et message se cachent derrière cet instrument domestique que tous les sénégalais utilisent pourtant quotidiennement dans les foyers, même si la forme et la nature diffèrent ?
a- Le balai ou le symbole du transfert du pouvoir à Diomaye Lors du passage du candidat BDDF à Bignona pour les besoins de la campagne électorale pour la présidentielle de 2024, le vieux Nouha Badji a réédité ses actes paraboliques pleins d’enseignements. Cette fois-ci, c’est un balai qu’il remet au candidat devenu président. En réalisant cet acte, le vieux Nouha Badji était loin de s’imaginer que son acte ferait le tour du Sénégal et du monde. La photo du vieux remettant le balai à Diomaye tout comme celle de Diomaye apparaissant au grand public avec un balai étaient devenues virales sur la toile.
Les commentaires vont bon train. Chacun y va de sa propre interprétation du sens à donner au balai. La
première connaissance que tout le monde sait du balai est qu’il est utilisé pour le nettoyage de la maison. A l’intérieur, il est très utile dans le nettoyage des toilettes, endroit « le plus utile d’une maison » pour parler comme les parnasses. Le balai permet d’enlever toutes les impuretés des toilettes et de les rendre utilisables.
Dans le contexte politique, ce balai doit être perçu comme l’instrument de rupture épistémologique entre un ordre ancien, banni et honni, et un ordre nouveau, symbole d’espoir et de changement, prédisposé à la
commande des affaires. Pour beaucoup de sénégalais, ce régime sortant était à l’origine de ce que le professeur Malick Ndiaye appelait la « société d’accaparement », résultat de la « conduite culturelle des sénégalais d’aujourd’hui » et qui se traduit par la mauvaise gouvernance, le détournement de deniers publics, pillage des ressources appartenant à tous les sénégalais par un parti politique composé de groupe politico, affairiste et prédateur en tout genre, et dont l’ampleur du désastre a été révélé par les rapports d’audits qui sont publiés. Ainsi, le balai remis à Diomaye est un outil qui permettra de conjurer le mauvais sort dont est victime le Sénégal. Pour les dépositaires de connaissances ésotériques, le pouvoir était remis à Diomaye le jour même qu’il avait reçu le balai à Bignona. L’organisation du vote n’était qu’une formalité car les pleins pouvoirs étaient déjà transférés à Diomaye. Et avec son balai, le président nettoiera le palais présidentiel et toutes les institutions pour permettre un nouveau vent de souffler dans le pays. Ce vent est celui de la fin de la terreur, le vent de la paix, de la prospérité et du développement socio-économique. C’est aussi, le vent de l’épanouissement pour tout le peuple sénégalais.
b- Le balai, le symbole de l’unité nationale
Au-delà de cette fonction, essayons de voir quelle autre signification revêt le balai ? En effet, le balai conçu à partir d’un assemblage des tiges de feuille de palmier, symbolise l’union, la force souhaitée dans toute communauté humaine pour atteindre les objectifs de développement. Le balai symbolise l’unité nationale dont les tiges assemblées représentent le peuple, la nation unie pour réaliser les objectifs de développement et de souveraineté. Une nation étant un groupe humain vaste qui se caractérise par la conscience de son unité et la volonté de vivre en commun, le balai de Nouha Badji à Diomaye est une invite au peuple sénégalais à être uni autour de son président pour réaliser tous les objectifs de développement. C’est aussi une façon de dire aux
Sénégalais qu’un peuple uni devient fort et peut résister contre toutes les velléités d’agression extérieure. Voilà pourquoi, il faut voir les différentes tiges assemblées comme l’incarnation de l’unité, du commun vouloir de vivre ensemble et de la force, qui puissent hisser notre pays aux cimes des nations émergentes. Il est impossible de casser le tas de tiges assemblées constituant le balai. Par contre, si l’on prend séparément les tiges, on les casse aisément. De là, nous pouvons déduire que pour bâtir une nation forte, il faut des unions sacrées autour de l’essentiel et du gouvernement. Le président de la république est sollicité au premier rang pour poser des actes de nature à rassembler le peuple sénégalais et à les inviter à œuvrer à la consolidation du commun vouloir de vivre ensemble, seul gage de pouvoir résister contre toutes velléités d’agression étrangère. Cela voudrait dire également qu’après l’élection, le peuple sénégalais, dans toute sa diversité, reste un et indivisible et le président demeure celui de tous les sénégalais sans distinction d’appartenance politique.
En définitive, le balai remis au président Diomaye comporte une connotation politique en ce qu’il est invité à travailler pour réconcilier et unir le peuple sénégalais qui a traversé une période préélectorale sans précédent. Le peuple sénégalais, représenté ici par les tiges du balai, est aussi sollicité pour une union sacrée autour de son président de la république qui la lourde responsabilité de conduire les destinées de Sunugaal (notre pirogue). La pirogue n’étant pas arrivée à l’autre rive, il revient à tout un chacun de souhaiter et d’œuvrer pour que cette dernière ne chavire pas à mi-parcours ou en plein océan. Sinon, ce sera un péril collectif.
c- Le balai : pouvoir protecteur ou destructeur, plusieurs lectures sociologiques
Après tout, le balai revêt une dimension mystique. Dans l’imaginaire collectif par exemple, lorsqu’on ne veut plus revoir un étranger chez soi après un séjour, on prend le balai pour effacer les traces de ses pieds lorsqu’il quitte. Cette pratique est comme un mauvais sort qu’on jette à son ancien hôte afin qu’il ne revienne plus jamais.
Dans la société traditionnelle diola, le balai est très présent chez certaines autorités coutumières (les rois dans le Oussouye ont toujours un balai par devers eux). Les détenteurs-chef de fétiches se déplacent toujours avec un balai à la main. Le balai a ici une valeur cultuelle. Son détenteur détient un pouvoir de protection vis-à-vis des populations de sa communauté. Il peut aussi détruire tout contrevenant notamment celui ou celle qui transgresse les normes de cette communauté. Un coup de balai sur tout contrevenant nécessite de la part de ce dernier une cérémonie de repentir. Le contrevenant doit s’acquitter d’une amende et se présenter devant le fétiche pour se confesser.
On note aussi la présence du balai dans certaines cérémonies traditionnelles notamment les cérémonies de circoncision. Les initiés, à leur sortie du bois sacré, précisément lors de la cérémonie d’apparition devant la foule, tiennent chacun un balai. Ils ne le tiennent pas pour le simple plaisir de le tenir. Ils sont détenteurs d’un nouveau pouvoir qui les rend HOMME, forts, non vulnérables. Le balai, chez l’initié fraichement sorti du bois sacré, a toute sa symbolique. Il ne peut pas être porté par un non initié. Il n’a pas la même signification qu’un balai destiné à un nettoyage. Retenez d’ailleurs que dans la communauté traditionnelle diola, le garçon ne balaie
pas ; cette activité étant dédiée aux femmes au nom de la division du travail. Il faut aussi faire remarquer que le balai tenu par le roi, le chef de fétiches tout comme celui qui sort du bois sacré est réduit de taille mais renferme beaucoup de pouvoirs. Le profane pourrait se complaire à un regard naïf, sans chercher à comprendre ce qui se cache derrière afin de mieux comprendre. Le détenteur du balai détient un pouvoir ésotérique que seul un initié peut comprendre. En 2009, par exemple, lors d’une cérémonie du bois sacré à laquelle nous avons assisté dans le village d’Essaout, dans le département d’Oussouye, un patriarche à la tête des nouveaux initiés leur parlait
avec un discours rempli de paroles opaques et pleines d’ambiguïté car les paroles étaient confuses. En réponse au patriarche, tous les initiés soulèvent chacun son balai, le pointent en direction du ciel comme s’ils communiquaient avec un être surnaturel au-dessus de leur tête. Le pouvoir mystique ne se donne pas facilement. Il faut traverser des épreuves pour qu’on te le confie. Voilà pourquoi le bois est sacré. Ces jeunes sont déjà porteurs de pouvoir mystique et peuvent, désormais, occuper certaines responsabilités au sein de cette société.
A travers ce qui précède, nous pouvons aisément affirmé que le balai confère à son détenteur le pouvoir de pouvoir diriger un groupe d’individus d’une communauté donnée ; un pouvoir de protection et de défense. Le roi, à travers son balai est le garant de la vie en harmonie au sein de sa communauté. Il protège sa population contre tout malheur. De même, il peut maudire un esprit maléfique, une personne malintentionnée en lui donnant un coup de balai. C’est un mauvais sort qui est jeté contre l’esprit maléfique ou la personne dite généralement sorcière. Voilà pourquoi, les anciens n’aiment pas que l’on frappe les enfants avec les balais.
Le président Diomaye, à l’image du roi, chef de la tribu, est investi de pouvoir qui lui permettront, durant tout son règne, de diriger son pays et de l’amener vers le sommet des nations émergentes. Ceux qui veulent travailler à lui faire échouer, doivent se tenir tranquille et comprendre que Diomaye est le protecteur du peuple sénégalais ; il est protégé. Qui s’y frottera, s’y piquera. Le vieux diola a branché le cousin du diola qui, après avoir déjà baigné dans la civilisation sérère, « pangool », se trouve renforcé en pouvoirs surnaturels qui lui permettent de dominer tous les sujets abordés. Les sénégalais doivent le comprendre, ainsi, et faire bloc autour du président,
de son premier ministre et du gouvernement.
En donnant le balai au désormais président de la république Bassirou Diomaye Diakhar Faye qui vient de traverser des épreuves très difficiles dans la quête du pouvoir (prison), le vieux Nouha Badji savait
pertinemment qu’il venait de transférer pleins de pouvoirs ésotériques que Diomaye peut, lui-même, ignorer.
Ces pouvoirs guideront ses pas vers le succès. Les sénégalais ne doivent plus regarder Diomaye comme celui-là qu’ils ont connu il y’a trois mois derrière. C’est une autre personne, bien blindée car investi de pleins de pouvoirs mystiques, un homme qui doit protéger le Sénégal. Voilà le Bassirou Diomaye Faye newlook, le
président pour un Sénégal juste, souverain et prospère. Ce Sénégal juste doit avoir comme socle, des valeurs éthiques sans quoi, aucune cohésion du peuple sénégalais n’est envisageable. Ce Sénégal prospère doit avoir de nouvelles voies et orientations économiques. Le développement économique du pays doit être l’affaire de tout le monde. La jeunesse sénégalaise est concernée au premier plan. Pour être un Etat prospère, la jeunesse sénégalaise doit s’investir et prendre sérieusement les questions développement en charge. Dans le domaine agricole par exemple, la jeunesse sénégalaise, force motrice du pays, doit nourrir les sénégalais. Elle doit, pour
se faire, envahir les champs pour cultiver divers produits de premières nécessités, aidant l’Etat à réduire, faute d’éradiquer complètement, les importations ; le rôle de l’Etat étant d’encadrer et d’accompagner ces jeunes.
Avec un sursaut patriotique des jeunes, la souveraineté alimentaire sera gagnée. Un Etat qui atteint la souveraineté alimentaire, peut aisément atteindre les autres types de souveraineté notamment la définition d’un modèle économique endogène d’industrialisation par substitution aux importations, le commerce intérieur, la préférence nationale et la consommation locale, la réforme monétaire pour le financement de notre économie, les politiques efficientes de gestion de la dette publique, des mécanismes de développement endogène pour
accélérer la croissance économique du pays, etc. Dans tous les secteurs socio-économiques, la jeunesse, véritable fer de lance doit être sollicitée, encadrée et accompagnée pour aller vers une souveraineté à tout point de vue.
Le balai de Diomaye est un prétexte pour inviter le président de la république à une véritable réflexion sur les enjeux des grandes questions de développement. Il n’est pas seulement un simple ustensile de nettoyage. Il est un tout systémique en ce qu’il n’est pas seulement la somme des parties qui la compose. Le griot traditionaliste n’avait-il pas raison de dire dans l’épopée de Soundjata Keita que « le monde est plein de mystère, tout est caché, on ne connait que ce que l’on voit. Le fromager sort d‘un grain minuscule, celui qui défie les tempêtes ne pèse dans son germe pas plus qu’un grain de riz ; les royaumes sont comme les arbres, les uns seront
fromagers, les autres resteront des nains et le fromager puissant les couvrira de son ombre. » Ainsi, si l’on peut considérer les différents arbres comme étant la population sénégalaise dans toute sa diversité, le président BDDF est le puissant fromager qui doit couvrir de son ombrage tout ce peuple sénégalais. Le balai est donc un sujet de réflexion très large. Vous pouvez observer des phénomènes se dérouler devant vous. Vous vous rendez
compte que vous n’avez jamais réfléchi à leur explication que lorsque l’on vous demande de rendre compte.
Au président Bassirou Diomaye Diakhar Faye,
Le vieux Nouha Badji vous a dit peu et il en a retenu beaucoup. Une invitation au palais, vous ferez boire
à la source comme les lamantins qui vont boire à la source de SIMAL.
Honorable député Bacary Diédhiou