Pour des raisons de souveraineté les États-Unis d’Amérique n’acceptent pas que les données des citoyens américains puissent être entre les mains d’une puissance étrangère. C’est tout le problème de l’Administration américaine avec d’abord chinois Huawei, puis aujourd’hui avec Tik Tok. Pour les Américains, les Télécoms, au-delà de la souveraineté, sont du domaine de la sécurité nationale. Et l’on ne confie pas sa sécurité à un concurrent, voire un adversaire, fut-il le plus souriant.
Au Sénégal, c’est tout à fait l’inverse. Toute notre industrie des Télécoms, et par conséquent celle des données (qui est l’industrie de l’avenir) est entre les mains de multinationales étrangères. C’est pourquoi la tentative de rachat de Tigo (devenue YAS aujourd’hui) par Kabirou Mbodje, au-delà du symbole, de la fierté et de l’orgueil national légitime, était aussi, et avant tout, un acte de souveraineté. Mais malheureusement, l’Etat du Sénégal n’a pas été un Etat stratège, comme les pays asiatiques ou les pays développés. Derrière le succès mondial de l’indien Mittal, il y a l’État indien. Derrière le succès de Starlink de Elon Musk, il y a l’État américain. En Afrique, nous avons l’exemple de Dangote du Nigeria avec la vision de Obasanjo et ses Obasanjo’s boys.
A posteriori, quand on analyse la position souverainiste du gouvernement américain face au chinois Tik tok, on se rend compte les hommes d’affaires comme Kabirou Mbodje ont été, avec Bara Tall (achat du Français Jean Lefèvre) et Pathé Dionne du groupe Sunu (acquisition de la banque française BICIS), les précurseurs du souverainisme économique mais malheureusement n’eurent pas à leur côté un Etat stratège pour les accompagner. Kabirou Mbodje cassa le monopole étranger du transfert d’argent en créant Wari et posa un acte de haute portée de souveraineté économique en cherchant à racheter TIGO, propageant un immense sentiment de fierté dans le pays. Malheureusement l’État du Sénégal ne fut pas à la hauteur de l’audace de l’entrepreneur. L’attitude du gouvernement américain face à Tik Tok montre qu’au-delà des discours sur le libéralisme et la main invisible du marché, les États occidentaux, asiatiques et même du Moyen-Orient, demeurent, à raison, très protectionnistes.
Dans sa Déclaration de Politique Générale, le Premier Ministre Sonko a beaucoup parlé de la nécessité d’avoir un État stratège et de développement endogène. Donc au-delà des mots, il a l’occasion et le pouvoir, non seulement de réhabiliter des précurseurs du souverainisme économique comme Bara Tall et Kabirou Mbodje pour servir d’exemples pour les champions nationaux à faire émerger impérativement, mais surtout de s’appuyer sur eux dans la relance de notre économie. Il en va de la survie de la nation sénégalaise et africaine face au monde qui change.
Bachir Fofana
Éditorialiste