La période allant de mars 2021 à juin 2024 restera dans l’histoire du Sénégal comme une séquence troublée, marquée par des tensions politiques intenses, une contestation sociale soutenue, et une restriction inquiétante des libertés fondamentales, au premier rang desquelles la liberté d’expression. Les journalistes, en première ligne, ont payé un lourd tribut : arrestations, intimidations, suspensions de médias, coupures d’Internet, et autocensure rampante ont altéré leur capacité à exercer leur métier dans le respect de l’éthique et du droit à l’information.
Aujourd’hui, alors que le pays entre dans une nouvelle phase politique, marquée par une volonté affichée de rupture et de restauration des principes démocratiques, il est essentiel de poser la question du rôle des journalistes dans ce nouveau contexte. Car si la liberté d’expression est un droit, elle est aussi une responsabilité. Et les journalistes sont les gardiens vigilants de cet équilibre.
1. Restaurer la confiance
Les événements récents ont érodé la confiance entre les médias, les institutions et le public. Pour regagner cette confiance, les journalistes doivent réaffirmer leur indépendance vis-à-vis des partis politiques, des intérêts financiers et des pressions sociales. Cela passe par une rigueur accrue dans la vérification des faits, un refus des discours sensationnalistes, et un engagement renouvelé en faveur de l’éthique journalistique.
2. Défendre activement les libertés
Les journalistes ne peuvent plus se contenter de constater les atteintes à la liberté d’expression : ils doivent en devenir les défenseurs actifs. Cela implique de dénoncer toute forme de censure, mais aussi de former, informer et sensibiliser le public à l’importance de cette liberté pour la démocratie. Les organisations professionnelles doivent jouer un rôle plus structurant dans la protection des droits des journalistes et dans le plaidoyer pour des réformes juridiques garantissant une presse libre.
3. Accompagner la transition démocratique
La presse a un rôle fondamental à jouer dans la consolidation des institutions, en assurant un suivi rigoureux de l’action publique, en donnant la parole à toutes les composantes de la société, y compris les plus marginalisées, et en favorisant un débat pluraliste, apaisé et constructif. Dans un Sénégal en quête de refondation démocratique, les journalistes doivent être des ponts, non des barricades.
4. S’auto-réformer pour mieux résister
Les difficultés traversées ont aussi révélé les fragilités internes du monde médiatique sénégalais : précarité des journalistes, manque de formation continue, dépendance économique… Il est temps de poser les bases d’un journalisme plus professionnel, plus structuré, plus résilient.
Conclusion :
Le rôle des journalistes dans le Sénégal post-2024 est crucial : ils doivent à la fois guérir les plaies du passé et ouvrir des chemins d’avenir. Cela suppose courage, lucidité, solidarité et une ferme volonté de faire du journalisme un levier de démocratie et non un simple instrument de conjoncture. La liberté d’expression, loin d’être acquise, se conquiert et se défend chaque jour. Et les journalistes doivent en être les sentinelles.
Elhadji Fallou Khouma, journaliste