Le dernier audit de la Cour des Comptes sur le rapport de la situation des finances publiques entre 2019 et 2024 avait fait vaciller le paysage politique sénégalais. Au cœur de cette affaire : 141 milliards, 87 millions, 194 mille, 249 francs CFA de fonds publics, placés en Dépôts à Terme (DAT), puis retirés sans jamais être reversés au Trésor national. Une gestion parallèle des finances de l’État, révélée par l’institution de contrôle, qui demande l’ouverture de procédures pénales.
L’affaire met directement en cause Amadou Ba, ancien ministre des Finances puis Premier ministre sous Macky Sall, aujourd’hui figure de proue de l’opposition post-électorale. Le rapport évoque une chaîne de responsabilités au sein du ministère des Finances, notamment Cheikh Tidiane Diop, ex-directeur général du Trésor et secrétaire général du ministère au moment des faits. Le nom de l’ancien Trésorier général est également cité, ce dernier ayant interpellé les banques concernées et mis au jour le système illégal.
Derrière les mécanismes techniques des DAT, le scandale prend une tournure hautement politique. Amadou Ba, longtemps présenté comme l’héritier de Macky Sall, se retrouve aujourd’hui dans une position délicate. Certains y voient une tentative de neutralisation politique, d’autres, une conséquence directe de la promesse de rupture et de reddition des comptes faite par le président Bassirou Diomaye Faye, élu sur une plateforme anti-système.
La question de la responsabilité de Macky Sall se pose avec acuité. Comment un système aussi structuré de placements et de retraits bancaires parallèles a-t-il pu exister sans la connaissance ou la validation du sommet de l’État ? Si la Cour des comptes ne cite pas directement l’ex-chef de l’État, le silence de Macky Sall et de ses anciens collaborateurs depuis la publication du rapport alimente les spéculations.
À cela s’ajoute un enjeu de gouvernance : ces pratiques remettent en cause la transparence et la rigueur de la gestion des finances publiques sous le régime précédent. Le système des DAT, censé être un outil technique pour optimiser la trésorerie, aurait été utilisé comme un levier opaque de manipulation des fonds publics.
Dans un contexte politique tendu, cette affaire pourrait marquer un tournant. D’un simple scandale financier, elle risque de devenir un dossier judiciaire à forte charge politique, susceptible de redéfinir les rapports de force entre l’ancien régime et les nouvelles autorités.
La suite dépend désormais de la justice. Mais une chose est sûre : la traque des biens mal acquis, longtemps promise, semble bel et bien lancée.