Un Etat s’enrichit en créant de la richesse et en levant l’impôt sur ces mêmes richesses. Richesses et impôt sont intimement liés.
La création de richesses passe par la Formation brute de capital fixe, c’est-à-dire les investissements que l’Etat réalise en puisant sur ses propres ressources ou en empruntant. Ressources propres, emprunt et investissement forment un trio indissociable pour un Etat.
Les ressources propres de l’Etat sont les revenus tirés de son portefeuille d’actions, de ses placements, des dons et de l’impôt sous toutes ses formes. Ce dernier occupe, bien entendu, la part du lion. Plus de 95% du total, généralement.
Les Etats non industrialisés comme le Sénégal mettent souvent une grande pression fiscale pour boucler leur budget. Par exemple, en 2022, le ratio impôts/PIB était de 19,8% au Sénégal, supérieur de 3.8 points à la moyenne des 36 pays d’Afrique en 2024, qui était de 16%.
Comment élargir l’assiette fiscale dans ces conditions ?
L’élargissement de l’assiette fiscale se heurte à des considérations objectives que sont la pauvreté, l’informel et la perception punitive de l’impôt.
Le pauvre ne peut payer par essence tandis que l’informel échappe à l’impôt par définition. Or, le Sénégal était classé 170e sur 191 pays en 2022 pour ce qui est de l’Indice de développement humain; les Nations-Unies considèrent que 50% des Sénégalais sont multidimensionnellement pauvres et 18% vulnérables à la pauvreté multidimensionnelle. Ils ne sont juste pas imposables.
Une enquête du journal Le Monde révèle que 97,5% des entreprises à Dakar sont informelles; seuls 10% environ des travailleurs sont dans le secteur formel (secteurs public et privé).
Dans le cas spécifique du Sénégal, il n’ y a qu’un seul moyen acceptable d’élargir l’assiette fiscale : création de richesses et d’emplois, recul de l’informel. Or, grand paradoxe, il n’y a pas d’investissement visible présentement et des milliers d’emplois sont détruits dans le public et le privé, alimentant le secteur informel.
L’élargissement de l’assiette fiscale est certes le discours-réflexe d’un fiscaliste au pouvoir, mais elle ne se décrète pas dans un pays comme le Sénégal, pauvre, informel et défiant vis-à-vis de l’impôt.
Vous voulez l’élargir l’assiette fiscale? Investissez, créez des richesses et des emplois, faites reculer l’informel.
Mamadou Sy Tounkara