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Magal 2025 : les 6,5 millions de pèlerins ne sont pas une illusion ( Par Dr Balla Khouma )

Cher Monsieur Aliou Diouf,

Permettez-moi de vous adresser, en tant que data scientist, une réponse fondée sur les principes de rigueur et de transparence scientifique, suite à votre article publié hier sur Seneweb, dans lequel vous interrogez les chiffres annoncés pour le Magal de Touba 2025, notamment les 6,5 millions de pèlerins.

L’éthique scientifique nous invite d’abord à revenir à la source des données, avant d’en contester la validité. En l’occurrence, le site officiel du Magal fournit des informations claires sur la méthodologie adoptée par la Commission Culture et Communication. Celle-ci a mis en œuvre une démarche structurée, appuyée par les points suivants :

– Du 10 au 13 août 2025, des équipes d’enquêteurs expérimentés ont été déployées 24h/24 aux principaux points d’accès à la ville sainte : Ngabou, Mbacké, Darou Mousty, Dahra, ainsi qu’à la sortie du péage autoroutier ;

– Un dispositif de comptage en continu a permis de collecter des données systématiques sur les flux d’entrée durant toute la période du Magal.

Sur la base de ce dispositif, la Commission a recensé 235 919 véhicules (hors deux-roues et charrettes) et 5,1 millions de voyageurs. À ce chiffre s’ajoute la population résidente du département de Mbacké, estimée à 1,4 million selon les projections de l’ANSD.

Faut-il conclure à l’invraisemblance de ces chiffres simplement parce qu’ils dépassent, de plus de 3,6 fois, le nombre de pèlerins recensés au Hajj 2024 ? Rien n’est moins sûr. Cette comparaison, bien que tentante, mérite d’être abordée avec prudence et nuance, pour au moins deux raisons essentielles :

– La nature des deux événements diffère profondément : le Hajj est un rituel international strictement encadré, avec des quotas rigides par pays alors que le Magal, lui, est un pèlerinage ouvert, sans restriction de nombre, accueillant tout croyant désireux d’y participer ;

– Les méthodes de comptage sont également distinctes : en Arabie Saoudite, le nombre de pèlerins repose sur un enregistrement administratif fondé sur les visas délivrés ; à Touba, il s’agit d’une enquête de terrain, avec des outils adaptés au contexte local et aux moyens disponibles.

En tant que statisticien, je suis bien conscient que toute estimation de masse est sujette à des biais, quel que soit le pays ou le niveau technologique. Ce n’est pas une spécificité sénégalaise, mais une réalité universelle. Même dans les grandes métropoles disposant d’infrastructures de comptage sophistiquées, les chiffres d’affluence lors des événements majeurs restent souvent sujets à débat. Quelques facteurs de surestimation potentielle doivent cependant être pris en compte :

– Le double comptage de personnes entrant et sortant plusieurs fois durant la période ;

– L’absence de contrôle systématique aux points d’accès secondaires ;

– La difficulté à distinguer, dans certaines zones, les résidents permanents des pèlerins temporaires.

Malgré ces limites, l’effort de transparence, la méthodologie déployée et l’ampleur observée sur le terrain méritent d’être pris au sérieux. Au lieu de rejeter ces chiffres d’emblée, ils invitent à un débat méthodologique constructif, à la hauteur de l’enjeu que représente le Magal de Touba, tant sur le plan spirituel que sociologique.

Avec mes salutations respectueuses,

                                                                                 Dr. Balla KHOUM

C’est Data Scientist

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