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Interprétons autrement le ratio de la dette du Sénégal ( Par Dr Balla Khouma, statisticien économiste)

En 2024, la dette publique du Sénégal a atteint 118,8 % du PIB selon le FMI. Un chiffre souvent cité dans les médias et fréquemment utilisé par les autorités pour justifier un héritage économique difficile. Pris isolément, il peut donner l’impression d’un pays au bord de l’asphyxie financière. Mais que signifie réellement ce ratio ? Et surtout, que nous révèle-t-il, ou ne nous révèle-t-il pas, sur la situation économique réelle, notamment dans un contexte où la croissance a connu une nette accélération au premier trimestre 2025, due majoritairement à la production des hydrocarbures ?

Le PIB : un indicateur souvent mal compris

Le produit intérieur brut (PIB) est sans doute l’indicateur économique le plus commenté, mais aussi le plus mal compris. Il représente la valeur totale des biens et services produits dans un pays au cours d’une année donnée. Il s’agit donc d’un flux de richesse créée, et non d’un stock accumulé. Ce n’est ni le patrimoine national, ni la trésorerie de l’Etat, ni une « caisse » à partir de laquelle rembourser la dette.

Pourtant, c’est sur cet indicateur que repose le calcul du ratio de la dette publique. En clair, on compare un stock, la dette accumulée au fil des années, à un flux, la richesse produite en une seule année. Dire que la dette publique du Sénégal représente 118,8 % du PIB en 2024 signifie que le montant total des emprunts publics non remboursés équivaut à 1,188 fois la richesse annuelle créée par l’économie nationale. Dit autrement, même si le Sénégal consacrait l’intégralité de sa production annuelle au remboursement de sa dette (ce qui est évidemment utopique), cela ne suffirait pas.

Le ratio de la dette : un indicateur de soutenabilité, mais incomplet

Oui, le ratio dette-PIB est un indicateur de soutenabilité. Plus il est élevé, plus il peut inquiéter. Mais il reste incomplet, car il ignore la dynamique économique et la structure même de la dette. C’est là que les chiffres de début 2025 deviennent intéressants pour interpréter le ratio de la dette. Selon les données disponibles, le PIB du Sénégal a progressé de 12,1 % au premier trimestre, une performance exceptionnelle due à l’exploitation des hydrocarbures. Si cette tendance se confirme, la croissance annuelle pourrait atteindre le double de celle de 2024, qui était de 6 % (cf. Communiqués FMI).

La croissance est un amortisseur de la dette

Le rythme de croissance actuel du Sénégal signifie que le PIB 2025 sera 1,12 fois supérieur à celui de 2024. Si, dans le même temps, la dette publique n’augmente pas dans les mêmes proportions (ce qui est probable), le ratio dette-PIB baissera mécaniquement et pourrait même passer sous la barre des 100 %. Prenons une hypothèse simple : si le PIB croît deux fois plus vite qu’en 2024 et que la dette reste relativement stable, le ratio pourrait repasser sous les 100 % dès 2026. Cela ne signifie pas que la dette disparaît, mais que la capacité du pays à la supporter s’améliore. Ce phénomène est bien connu des économistes : la croissance dilue la dette. Plus une économie grossit, plus elle peut absorber un endettement donné. 

Interpréter donc autrement le ratio de la dette publique

La situation actuelle du Sénégal montre l’importance de ne pas figer l’interprétation des indicateurs économiques. Un ratio élevé n’est pas forcément alarmant s’il s’accompagne d’une croissance soutenue, d’une gouvernance budgétaire efficace et d’un pilotage macroéconomique rigoureux. En réalité, c’est le dynamisme actuel de l’économie sénégalaisequi pourrait redonner de l’espace budgétaire à l’Etat et ouvrir une nouvelle phase dans la gestion des finances publiques.

Comme nous le disons souvent dans nos contributions : l’heure n’est plus aux discours politiques voire populistes, elle doit être au travail rigoureux, à la recherche de solutions concrètes et à la mise en place de réformes solides. Le Sénégal dispose d’atouts considérables. Pour en tirer pleinement parti, il est impératif d’apaiser le climat social, de restaurer la crédibilité budgétaire, de maîtriser l’endettement et de transformer la croissance actuelle en un moteur partagé.  Encore une fois, seule une stratégie fondée sur la discipline, la transparence et l’inclusion permettra de bâtir un Sénégal souverain, juste et prospère.

Nous disons à l’appel de la patrie !!!

Dr. Balla KHOUMA
Statisticien Économiste

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