La cascade d’arrestations des responsables laisse croire à un projet de liquidation de Pastef/Les patriotes. En maintenant dans les liens de détention plusieurs lieutenants du maire de Ziguinchor, le pouvoir cherche à décapiter la principale formation politique de l’opposition.
Le pouvoir semble déterminé à contrecarrer, par tous les moyens Ousmane Sonko, leader de Pastef/Les patriotes. Et la cascade d’arrestations, depuis le 16 mars dernier, de militants et responsables membres de l’état-major du parti en est une preuve. Aujourd’hui, ce sont des centaines d’individus supposés appartenir à cette formation politique qui croupissent dans plusieurs prisons du Sénégal. Un véritable projet de liquidation de manière «officieuse», le Pastef/Les patriotes, selon des observateurs. «Il n’y a pas de communication officielle sur le sujet. Mais il y a eu des signes avant-coureurs. Le ministre de l’Intérieur évoquait la présence de forces occultes dans les manifestations de mars 2021. Une certaine presse parlait de forces spéciales. Aujourd’hui, on procède à l’interpellation de leaders comme El Malick Ndiaye et autres», remarque l’analyste politique Thierno Diop. El Malick Ndiaye, le chargé de la communication de Pastef/Les patriotes a été entendu puis placé en garde à vue, hier, à la Sûreté urbaine, pour «diffusions de fausses nouvelles». Agent à la direction des impôts et domaines, Waly Diouf Bodian, par ailleurs membre de Pastef, a été placé, hier, sous mandat de dépôt.
Dans la même veine, Ousmane Kébé de Magi Pastef de Keur Massar et Babacar Mbaye de la plateforme Jeunesse patriotique du Sénégal (Jps) ont été inculpés, puis placés sous contrôle judiciaire, après plusieurs retours de parquet. Chargé des élections de Pastef/Kaolack, Mamadou Niang, interpellé depuis le 16 mars, a recouvré la liberté, hier, ainsi que son camarade de parti, professeur d’anglais au lycée de Ngane Saer.
Mais ils restent toujours dans le viseur de Dame justice. Le coordonnateur départemental de Kédougou, Abdoulaye Sow, a été lui aussi interpellé pour «appel à l’insurrection».
Le maire de Keur Massar Sud, Mouhamed Bilal Diatta a été convoqué, hier, par la gendarmerie. A Touba, Babacar Sarr,chargé de communication du parti, a fait l’objet d’un retour de parquet. Sans compter Fadillou Keïta et Mamadou Seck en détention provisoire depuis quelques mois. Y a-t-il alors tentative de liquidation du principal parti d’opposition au Sénégal ? Le chroniqueur politique donne sa langue au chat. «Qu’est-ce qui s’est passé ? Rien n’est parvenu de sources crédibles sur la liquidation», consent à dire Thierno Diop.
En tout état de cause, les sorties médiatiques de Oumar Sow, responsable de l’Apr à Yeumbeul Nord, corroborent la thèse de la liquidation. Ce dernier a récemment suggéré une dissolution de Pastef. D’après Thierno Diop, la convocation d’Ousmane Sonko pour son audition dans le fond de l’affaire Sweet Beauté en novembre, a été annoncée par cette même personne. «A quelles sources s’abreuve-t-il? Il vient d’évoquer une possible dissolution de Pastef. C’est à prendre au sérieux», rappelle-t-il. Selon lui, les rumeurs qui accusent la formation politique de Sonko de subversion pourraient servir de mobile au pouvoir pour interdire ses activités ou les suspendre. «Sonko est allé trop loin dans sa communication. Il avait évoqué plus de 200 mille jeunes sous sa coupole. Avant l’affaire Adji Sarr, il avait invité ces jeunes à quitter les claviers et descendre sur le terrain», constate-t-il.
Si toutefois ce projet de liquidation se confirme, note Thierno Diop, ce sera une dissolution de fait. Et que, estime-t-il, Ousmane Sonko ne devrait pas prêter le flanc. Il devrait, dit-il, apprendre de la mise à l’écart du jeu politique de Khalifa Sall et Karim Wade. «Il devrait tout faire pour être en règle avec la loi. Il devait adopter la stratégie de l’opposant Abdoulaye Wade. C’est-à-dire la stratégie du bord du gouffre. Après des manifestations jusqu’au bord du gouffre, il invitait le Président Diouf au dialogue pour obtenir une ouverture démocratique», rappelle-t-il. A un moment donné, poursuit l’analyste, Ousmane Sonko devrait s’arrêter. «Le radicalisme dans le discours ne peut pas être transmis dans l’action. Le champ de la dévolution du pouvoir, ce sont les urnes et non la rue», soutient-il.