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« Au pays de ce président-politicien, se préoccuper de la  gestion transparente des deniers publics peut conduire en prison »

Il a été élu sur la base d’engagements forts qu’il avait pris, notamment à mettre en œuvre une politique « transparente, sobre et vertueuse ». Dans cette perspective, il avait très vite pris des mesures qui rassuraient : création de l’Office national de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC),transposition dans le droit interne sénégalais de la Directive n° 1/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant Code de Transparence dans la gestion des finances publiques, exhumation de la loi portant Cour de répression de l’Enrichissement illicite (CREI).Nous savons tous ce que sont devenues ces mesures, avec les lois auxquelles elles avaient donné lieu. Je ne m’attarderai ni sur l’OFNAC ni sur la CREI, qui font depuis lors l’objet de divers commentaires. Pour ce qui est de la CREI, les récentes sorties de l’ancien Procureur spécial Alioune Ndao nous ont permis de nous faire une idée de la manière cavalière et scandaleuse avec laquelle le président-politicien a mis fin sans état d’âme à son fonctionnement. Quant à la Loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques, elle ne semble pas retenir l’attention des citoyens et des citoyennes. Et pourtant, par les temps qui courent surtout, elle a une importance capitale. Le profane en la matière que je suis, va se permettre quand même d’en passer en revue quelques aspects.

Dans l’exposé des motifs, le projet de loi précise que le Code vise « à garantir une gestion transparente, efficace et économe des ressources financières publiques dans l’espace communautaire ». Et il repose sur un certain nombre de principes dont :

– la forte implication des organes délibérants dans le processus d’identification des orientations budgétaires de l’État, des collectivités locales, des établissements publics ou des autres organismes décentralisés :

– le contrôle effectif de l’exécution du budget parles organes délibérants et la reddition régulière des comptes par les organes exécutifs ;

– la formulation de règles transparentes régissant la passation des marchés publics, les délégations de service public et les partenariats public-privé ;

– l’information complète et régulière des citoyens sur les choix budgétaires ;

– l’intégrité des principaux responsables dans la mise en œuvre du budget.

Et la loi, en son article premier dispose : Est adopté « le Code de transparence dans la gestion des Finances publiques tel qu’annexé à la présente loi dont il fait partie intégrante. » Ce code annexé compte huit pages et comporte sept points. Pour que ce texte ne soit pas trop long, je me limiterai aux derniers, les six et sept. Auparavant, au point 3 (« Élaboration et présentation des budgets publics »), une information importante a retenu mon attention. C’est celle-ci, (3.2) : « En matière budgétaire, l’Assemblée nationale délibère chaque année sur le projet de budget de l’État et sur l’exécution du budget. Les députés disposent d’un droit d’information et de communication sans réserve sur tous les aspects relatifs à la gestion des deniers publics» J’espère que les députés du président-politicien ne s’opposeront pas à l’exercice de ce droit sans réserve et que Birame Soulèye Diop et ses camarades en profiteront largement, pour notre information !

Venons-en au Point 6 (« Information du public ») !On y lit :

– 6.1. L’Administration publique publie, dans des délais appropriés, les informations sur les finances publiques.

– 6.2. Le calendrier de diffusion des informations sur les finances publiques est annoncé au seuil de chaque année et respecté.

Le 6.3. et le 6.4. retiennent encore plus notre attention :

– 6.3. L’information régulière du public sur les grandes étapes de la procédure budgétaire, leurs enjeux économiques, sociaux et financiers, est organisée dans un souci de pédagogie et d’objectivité, notamment après le débat sur les orientations budgétaires. La presse, les partenaires sociaux et d’une façon générale tous les acteurs de la société civile sont encouragés à participer à la diffusion des informations ainsi qu’au débat public sur la gouvernance et la gestion des finances publiques.

– 6-4. L’ensemble des informations et documents relatifs aux finances publiques mentionnés dans le présent Code de transparence sont publiés par les institutions compétentes, notamment sur leur site internet, dès qu’ils sont disponibles.

Que nous apprend le dernier point, le Point 7 ?

– 7-1. Les détenteurs de toute autorité publique, élus ou hauts fonctionnaires, font une déclaration de leur patrimoine en début et en fin de mandat ou de fonction. Une loi spécifique précise les conditions et le périmètre d’application de ce principe et définit les infractions et sanctions de tout enrichissement illicite.

Les 7.3 et 7.4. nous en apprennent encore sur le fossé profond qui existe entre les dispositions de nos lois et la réalité de la gestion de nos finances publiques.

– 7.3. Des sanctions prononcées dans le respect des règles de l’État de droit sont prévues à l’encontre de tous ceux qui, élus ou agents publics, ont violé les règles régissant les deniers publics. La non-dénonciation à la justice de toute infraction à ces règles par un agent public qui en aurait eu connaissance est sanctionnée pénalement.

– 7.4. Les procédures et les conditions d’emploi dans la fonction publique sont fixées par la loi. Nul ne peut être nommé ou affecté à un poste comportant des responsabilités financières sans qu’aient été vérifiées préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties déontologiques et éthiques qu’il présente. Des programmes de formation adaptés entretiennent et actualisent ses compétences.

Nous terminons par le dernier point, le 7.8.,  qui nous apprend ceci :

« Les budgets et comptes des administrations des institutions constitutionnelles, des collectivités locales, des établissements publics, des agences, des autorités administratives indépendantes et autres organismes publics autonomes sont établis et gérés dans les mêmes conditions de transparence, de sincérité et de contrôle que celles qui sont définies par le Code pour l’ensemble des administrations de l’État. »

Je me trouve comme dans un rêve chaque fois que je finis de lire cette loi 2012-22 du 27 décembre 2012, avec le Code de Transparence dans la gestion des finances publiques qui lui est annexé et en fait partie intégrante. Cette loi est un leurre, à l’image de celle créant l’OFNAC et l’autre prétendant lutter contre l’enrichissement illicite (CREI), ainsi qu’à de nombreuses autres votées par l’Assemblée nationale depuis le 2 avril 2012. Le dernier point, le point 7.8., en est une parfaite illustration.

Donc, conformément au point 7.8., les budgets et comptes de toutes les institutions doivent être « établis et gérés dans les mêmes conditions de transparence, de sincérité et de contrôle que celles qui sont définies par le Code pour l’ensemble des administrations de l’État ». Est-ce vraiment le cas avec ce Sénégal du président-politicien ? Nous en sommes très loin. Des institutions comme la présidence de la République (avec son budget de plus 70 milliards), l’Assemblée nationale, la primature, les cours et tribunaux, pour ne citer que celles-là, échappent à tout contrôle. En tout cas, à ma connaissance tout au moins, ni l’Inspection générale d’État (IGE), ni la Cour des Comptes, ni aucun autre organe de contrôle ne jettent, n’osent jeter un coup d’œil dans la gestion des budgets de ces institutions. Et pourtant ! Il m’arrive souvent de penser à la gestion du questeur inamovible de l’Assemblée nationale (il en est, sans désemparer, à sa onzième année). Je ne crois pas que sa gestion ait fait l’objet, depuis lors, d’aucun contrôle. Et pourtant ! Normal, puisqu’il serait le frère cadet d’un très proche du président-politicien, qui aurait activement participé au financement de sa campagne pour l’électionprésidentielle de février-mars 2012.

Au point 7.4., nous nous rendons aussi compte à quel point la loi portant Code de Transparence est piétinée. Qui ose seulement prétendre, aujourd’hui, être nommé à un poste de responsabilités financières, sans être membre de la dynastie, de l’Alliance pour la République (APR) ou, à la rigueur, de Bennoo BokkYaakaar ? Aujourd’hui, les postes de responsabilités financières sont outrancièrement politisés, ce qui impacte naturellement sur nos finances publiques, négativement bien sûr. Compétences techniques,aptitudes professionnelles, garanties déontologiques et éthiques, tout cela n’a plus aucune espèce d’importance et est bousculé par la seule proximité avec le président-politicien. Mamour Diallo n’est-il pas nommé tout récemment Directeur général de l’ONAS ? Et pourtant !

Remontons au point 7.3., qui nous en apprend encore sur la manière dont nous sommes gouvernés, toujours en violation manifeste des lois en vigueur ! Les sanctions qui sont prévues ici, n’ont jamais été prononcées à l’encontre de tous ceux qui, élus ou agents publics, ont violé les règles régissant les deniers publics. Elles ne l’ont jamais été depuis le 2 avril 2012 à l’encontre des hommes et des femmes qui entourent le président-politicien, et dont les rapports et dossiers les épinglant dorment sur sa table et sur celle de son procureur. Le Code de Transparence prévoit même une sanction pénale à l’encontre de tout agent public qui aurait eu connaissance de toute infraction aux règles régissant les deniers publics et s’abstiendrait de la dénoncer à la justice. Pourtant, quand le député Ousmane Sonkoa saisi le juge puis l’OFNAC de ce dossier scandaleux des 94 milliards, il a été traité de tous les noms d’oiseaux : menteur, manipulateur, etc.

Nous nous indignons aussi en nous arrêtant toujours sur le Point 7 (7.1.) Ici, il est question de déclaration de patrimoine. Les détenteurs de toute autorité publique (élus ou hauts fonctionnaires) qui en sont assujettis, en font la déclaration en début et en fin de mandat ou de fonction. Combien d’assujettis, font-ilsaujourd’hui leur déclaration de patrimoine, et sincèrement ? En ce point, le Code de transparence n’est manifestement pas respecté et ceux qui le transgressent ne risquent aucune sanction. Ils peuvent se le permettre puisque le président-politicien lui-même ne respecte pas la loi. Á ma connaissance, il n’a pas fait sa déclaration à la fin de son premier mandat et pourtant, la loi l’y obligeait. Et même s’il l’avait fait, nous ne saurions rien de l’évolution de son patrimoine, évolution que je ne prendrai pas le risque de caractériser ici même si. . . . Prudence est mère de sûreté.

Au Point 6, nous en apprenons encore sur la transparence recommandée par le Code, en particulier sur les nécessaires informations sur les finances publiques. Dans cette perspective, je renvoie le lecteur aux points 6.3. et 6.4. Ils garantissent notre droit à une information régulière sur la manière dont nos deniers publics sont gérés, droit que nous reconnaît d’ailleurs la Constitution. Ici, j’interpelle l’opposition, les acteurs de la société dite civile et surtout la presse. Les débats stériles qui nous prennent tout notre temps devraient, bien plus utilement, être orientés vers la diffusion des informations relatives à la gouvernance et à la gestion des finances publiques. En particulier, nous devrions nous interroger et interroger nos gouvernants sur la confidentialité qui caractérise certains documents relatifs aux finances publiques, notamment les rapports de l’IGE et de l’OFNAC. Cette confidentialité ne respecte pas les dispositions de la loi portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques. Nous devrions la contester vigoureusement et, au besoin, devant la justice même si . . . . . Prudence est mère de sûreté.

Le député Ousmane Sonko était bien dans son rôle quand il dénonçait l’abus dans les exonérations fiscales, certaines pratiques dans la gestion du budget de l’Assemblée nationales et tous autres actes à travers lesquels on dilapide nos maigres deniers public. Il en est de même de Birahim Seck, en particulier si on considère les efforts qu’il lui a fallu déployer pour écrire son livre sur le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) du Ministère de l’Économie et des Finances, mettant en cause jusqu’à preuve du contraire Mame Mbaye Niang. Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que ce rapport existe et on l’a entendu lui-même le reconnaître et exiger qu’il soit publié, pour que son honneur – si jamais il en a –, soit lavé. Il serait vraiment facile, trop facile si, sur la base de sa plainte-bidon, Ousmane Sonko était condamné à une peine qui l’élimine de la course vers l’élection présidentielle du 25 février 2024.

Pourtant, même très risquée pour la paix et la stabilité du pays, cette condamnation est bien possible si on considère que moi-même, j’ai été condamné à trois mois avec sursis et à payer, conjointement avec Papa Alé Niang, la somme vingt millions à un Cheikh Oumar Hanne. Il avait porté plainte contre moi, pour avoir préfacé le livre de Papa Alé dédié à sa gestion du COUD, et pour y avoir traité sa gestion de « scandaleuse », cette gestion désastreuse ayant fait l’objet d’un lourd dossier qui dort d’un sommeil profond sur la table du procureur de la République.

Voilà le Sénégal du président-politicien ! S’il avait respecté l’essentiel des engagements pour lesquels il a été élu le 25 mars 2012, s’il avait respecté les seules dispositions de la Loi 2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques, nous n’en serions certainement pas aujourd’hui à perdre notre temps sur les deux plaintes-bidons dont nul ne sait où elles vont conduire notre pauvre pays.

Dakar, le 22 mars 2023

Mody Niang

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