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Jeux en ligne et soupçons de blanchiment : la Centif dévoile un circuit financier opaque de plus de 35 milliards F CFA

Le rapport 2024 de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) met en lumière un vaste réseau de transactions suspectes liées aux jeux et paris en ligne. Deux sociétés, « GAMING » et « BETTING », sont dans le viseur.

Une nouvelle alerte de la Centif

La Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) continue de lever le voile sur les circuits financiers opaques au Sénégal. Dans son rapport d’activités 2024, publié en avril dernier, l’organisme de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme détaille plusieurs cas de mouvements suspects, principalement dans l’univers en pleine expansion des jeux en ligne.

L’un des dossiers les plus marquants concerne le propriétaire de deux sociétés individuelles, GAMING et BETTING, toutes deux actives dans le secteur numérique et des paris virtuels. Selon la Centif, les flux enregistrés dans les comptes bancaires de ces structures laissent planer de sérieux doutes sur la légalité des opérations effectuées.

Des virements massifs et peu justifiés

La société GAMING, enregistrée auprès d’une institution financière identifiée dans le rapport sous le nom de « BANQUE SÉNÉGAL », a ouvert son compte principal en août 2023. Depuis, celui-ci a enregistré plusieurs virements de très gros montants, notamment en provenance d’un organisme nommé « LOTTERY ». Ces transferts, qualifiés de paiements pour des prestations numériques, s’élèvent à 1,458 milliard F CFA.

S’y ajoutent 130,9 millions F CFA en provenance d’une entité appelée « PAYMENT DIGITAL », présentés comme des commissions liées à des paiements en ligne. Jusque-là, les justifications avancées semblent peu convaincantes aux yeux de la Centif.

Plus inquiétants encore : des transferts internationaux réguliers, effectués vers une société étrangère nommée « ASSOCIATED », basée en Europe. Ces envois totalisent 1,17 milliard F CFA, sans documents justificatifs complets, ce qui alimente les soupçons de blanchiment de capitaux transfrontalier.

BETTING : un second canal, encore plus massif

Le propriétaire de GAMING dirige également une autre société, dénommée BETTING, qui a ouvert un compte auprès de la même banque en novembre 2021. Ce compte a enregistré 815 millions F CFA, mais c’est surtout l’existence de huit sous-comptes qui a retenu l’attention des analystes financiers : ils ont totalisé plus de 32 milliards F CFA de flux entrants et sortants.

Comme pour GAMING, des virements conséquents ont été effectués vers ASSOCIATED, pour un montant de 776 millions F CFA, cette fois avec des pièces justificatives partiellement fournies. Selon la Centif, ces fonds sont directement liés à des activités de paris en ligne, un secteur à haut risque en matière de blanchiment, notamment en raison de la difficulté de tracer l’origine réelle des fonds misés.

Des soupçons de corruption et d’association de malfaiteurs

Le rapport va plus loin : il associe ces mouvements à des pratiques de corruption, de trafic d’influence et d’association de malfaiteurs. Le profil financier du propriétaire, l’origine des fonds et leur destination finale posent la question d’un système structuré visant à dissimuler des revenus illicites sous couverture d’activités numériques.

Ce cas illustre les failles persistantes dans le contrôle des flux liés aux jeux en ligne, un secteur souvent mal encadré sur le plan réglementaire et parfois utilisé pour des opérations de blanchiment à grande échelle.

Vers une action judiciaire ?

Si le rapport de la Centif ne cite aucun nom, ses conclusions pourraient prochainement déboucher sur une saisine du parquet, comme cela a déjà été le cas dans d’autres dossiers sensibles. La cellule recommande en effet une vigilance accrue sur les acteurs opérant dans l’écosystème des jeux et paris en ligne, qui doivent désormais répondre aux obligations de transparence financière comme toute autre entreprise.

Un signal fort aux opérateurs du numérique

Avec plus de 35 milliards F CFA de flux identifiés en quelques mois, ce dossier est sans doute l’un des plus importants révélés en 2024 par la Centif. Il confirme les risques élevés liés aux activités numériques mal régulées et l’urgence de renforcer les dispositifs de surveillance et de régulation, notamment dans le secteur des jeux en ligne.

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