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La France n’a jamais voulu se départir de l’Afrique, par Boubacar Mohamed SY

Les réactions de leaders africains suite à la sortie incivile du Président de la République de la France renseigne d’une évolution de mentalité chez les africains.

Nous ne regardons plus la France comme ancien pays colonisateur qui s’arrogeait une certaine liberté à nous parler ou tancer. Nous la regardons, plutôt, aujourd’hui comme pays ami et collaborateur.

Nous saluons, en ce sens, la réponse du Premier Ministre Sénégalais Ousmane Sonko.

Nous saluons également les réactions de beaucoup de français qui, toujours, font leur mea-culpa sur le passé tragique et de l’état de retard de certains pays d’Afrique, anciennes colonies françaises, du fait justement de la boulimie sur nos ressources naturelleset de l’ingratitude de l’ancienne métropole.

Aujourd’hui, nous devons évoluer dans nos rapports avec la France et œuvrer pour un partenariat gagnant-gagnant.

Je pense, en ce sens, qu’il est plutôt à saluer et à chercher les faveurs de cette nouvelle dynamique de partenariat qui ne doit, en aucune manière, être sabordée par la sortie du Président de la RépubliqueEmmanuel Macron ou par une possible réaction des autorités françaises suite à la levée de boucliers, au demeurant justifiée, de certains leaders africains.

L’histoire nous renseigne, en effet, que la France n’a jamais voulu se départir de l’Afrique.

Pour raison, par le passé, elle s’est servie des matières premières disponibles en Afrique et de la main d’œuvre africaine pour se construire et atteindre un certain niveau de développement.

Aujourd’hui, elle a plus besoin des matières premières offertes par la nature à l’Afrique et des génies africains pour maintenir son niveau de développement.

Dans mon livre intitulé le Sénégal sous laser politique. Ed harmattan. 180 pages. Paru en Août 2023.  J’ai développé un chapitre entier sur la main invisible de la France.

Voir extrait.

J’insistais sur le modus operandi utilisé par la France pour continuer à intervenir en Afrique pour son propre intérêt.

Aujourd’hui, s’il est vrai que le défi sécuritaire est énorme pour nous ; le Sénégal entouré par des pays démantelés, l’urgence aussi est de voir comment stopper la fuite des cerveaux.

Oui, la bataille est sécuritaire ! Comment ? En effet, renforcer notre sécurité, par le renseignement, par l’anticipation mais par également une préparation psychologique et physique à tous points de vue pour n’être surpris ? D’autant que compte tenu ce qui s’est passé, nous risquons d’avoir un ennemi de plus. Suivez mon regard.

L’enjeu est énorme. Puisque ce qui est supposé être le fromage de la France est en train de leur échapper.

D’ailleurs, incidemment, nous saluons la sortie du Président de la République du Sénégal Monsieur Bassirou Diomaye Faye qui dit Expressis verbis, retraçant les contours d’un nouveau partenariat avec la France, ceci : « D’ores et déjà, j’ai instruit le Ministre des forces armées de proposer une nouvelle doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité impliquant entre autres conséquences, la fin de toutes les présences militaires des pays étrangers au Sénégal des 2025 » fin de citation.

Le gouvernement sénégalais saura quoi faire pour tracer les contours de ce nouveau partenariat, qui pourrait être étendu à d’autres secteurs, nécessaire pour le bien de tous. J’entends par là, la France et le Sénégal.

Par ailleurs, je voudrais interpeller le gouvernent sénégalais, en guise de contribution, de réfléchir sur ce qu’on pourrait appeler la fuite des cerveaux.

Elle constitue un des plus grands malheurs auquel nous assistons de manière impuissante.

Il y’a 4 ans de cela je commençais à réfléchir sur la problématique suivante :

« La main invisible de la France peut, également, s’apprécier par la récupération des cerveaux africains. Ce qui est appelé de nos jours la fuite des cerveaux après celle des capitaux.

Ce qu’il faut d’abord comprendre est que la France, pour se construire de fond en comble, a eu besoin, à un moment de son histoire, de main-d’œuvre.

La main-d’œuvre a creusé, a soulevé des pierres, a rassemblé des cailloux, a mélangé du sable avec du ciment, a construit des ponts, des routes, autoroutes, palais et édifices publics.

La main-d’œuvre a bâti la France. Elle était composée, en partie ou en très grande partie, de noirs.

La main-d’œuvre s’est ensuite transformée en boucliers.

Les tirailleurs sénégalais ont également défendu la France, à un moment crucial de l’histoire, face à l’envahisseur.

En ces périodes, la France avait besoin non pas de cerveaux africains, mais de bras solides et robustes pour assurer le travail physique.

Ses fils sont venus et d’une façon très ignoble, comme toujours, ont emmené les Africains les plus robustes qui pourtant devaient rester avec leurs familles et construire aussi leurs pays.

Aujourd’hui, le contexte a changé. La France a besoin de moins de gros bras.

Elle a besoin de plus de cerveaux utiles au maintien de son niveau de développement.

Le constat est que les plus brillants parmi les Africains partis en France pour continuer leur formation ne reviennent jamais servir leur pays.

Une pareille situation est favorisée par les réalités africaines. Il ne faudrait pas s’y tromper. Il faudrait aussi le concéder.

En effet, d’abord, face à un système universitaire défaillant, beaucoup de jeunes étudiants tentent leur chance pour aller étudier en France, qui n’est pas dupe.

Elle sélectionne, par ses services dédiés, le profil des étudiants et étudie à la loupe les moyennes et le cursus scolaire et même universitaire de chaque étudiant qui postule pour intégrer une université française.

La vérité, en conséquence, est que ne rejoint pas l’université publique française qui veut. Il faut avoir des chances de réussite évidentes. Et cette dernière vérité est bien prise en compte par le pays d’accueil.

Ensuite, ces jeunes seront bien préparés intellectuellement. Ils recevront une formation solide.

Mais, au terme de leurs études universitaires sanctionnées par l’obtention du diplôme recherché, ils ne peuvent pas rentrer au Sénégal pour servir leur peuple.

Deux vérités expliquent la situation.

La première explication est que la France mise sur ces jeunes qu’elle retient sur son territoire, en leur offrant travail et situation favorable, pour leur propre épanouissement et celui de leur famille. Elle y gagne et l’Afrique y perd.

La seconde explication est que les États africains ne font rien pour avoir une Administration performante, d’une part, et même ne favorisent pas le retour au bercail des jeunes qui ont, il faut le dire, assimilé, l’esprit de méthode et d’organisation de la France, d’autre part.

Ainsi, peut-il sembler logique que les jeunes diplômés africains des universités françaises soient tentés de rester travailler en France qui leur offre des conditions nettement meilleures que celles données par leur pays d’origine.

Au demeurant, il reste très fréquent que beaucoup de jeunes concernés soient des boursiers et donc aidés par les Etats africains, dont le Sénégal, auxquels alors ils doivent tout.

Au-delà de tout et même si cette situation est causée par la rupture de l’égalité des citoyens devant la loi, la France y gagne considérablement tant elle récupère les cerveaux africains et exige très rapidement le retour au pays d’origine de ceux qui n’ont pas réussi.

La conséquence désastreuse est que les pays africains se retrouvent alors avec plus d’étudiants n’ayant pas réussi leurs études universitaires que de diplômés universitaires.

La quasi-totalité des étudiants qui échouent, faute d’assistanat de leurs pays d’origine et de mauvaises conditions d’études, le font au stade de la première année.

Ainsi, n’ont-ils pas de profession ou un métier. Le plus dramatique est qu’après, leurs pays d’origine ne leur offrent pas d’alternatives sérieuses pour acquérir une aptitude professionnelle. Ce qui est constitutif du plus gros problème de chômage des pays africains. Le Sénégal n’y échappe pas.

Cette honteuse réalité participe aussi de l’écart de développement entre pays africains et la France.

Le développement étant d’abord intellectuel avant d’être matériel, il est alors difficile d’initier des activités.

Pour terminer avec ce chapitre, la France est bien présente dans le processus car elle prend les meilleurs étudiants africains, dont certains boursiers, pour rester la servir. Pour les personnes ayant échoué, elles sont renvoyées en Afrique, par le biais de l’OQTF :

OBLIGATION DE QUITTER LA FRANCE, qui finalement devient le terreau de la misère intellectuelle.

Les questions relatives à la main invisible de la France sont d’une complexité extrême et atteignent des niveaux insoupçonnés de gravité. Les exemples donnés, même pertinents, renseignent très peu sur la réalité de la question.

Ce qui est évident, par contre, est que la France a besoin de l’Afrique plus que cette dernière n’a besoin d’elle. Et, les Français, conscients de cette vérité, ont présenté la situation autrement, naturellement en leur faveur »

Le Sénégal sous laser politique : Pages 123 à 125.

La solution se trouve par un investissement massif qui vise qualité et performance dans le domaine de l’éducation, de l’enseignement supérieur et la recherche, par la matérialisation des transferts de compétences prévue dans les contrats publics et par une politique de l’emploi attractive qui pourrait faire revenir nos cerveaux qui se seraient échappés.

Boubacar Mohamed SY

Juriste.

Écrivain

Auteur des livres :

– le Sénégal sous laser politique. Août 2023. Ed harmattan

Présidentielle 2024 au Sénégal : Échec et Mat. juillet 2024. Ed Harmattan.

Analyste politique.

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