Il y’a environ un an, lorsque le débat sur la « dette maquillée, falsifiée ou cachée » a éclaté, suivi de la dégradation de la note souveraine du Sénégal par Moody’s, passant de Ba3 (pays stable) à B1 (pays sous surveillance), et de la suspension du programme de financement avec le FMI, nous alertions déjà, dans un article publié sur LeQuotidien.sn, sur les potentielles conséquences économiques et sociales de ces événements politico-économiques. Nous y appelions à l’unité nationale et à une mobilisation collective des autorités et des acteurs économiques pour relancer l’économie, en soulignantque le Sénégal se trouvait à un carrefour décisif et que sans action concrète, coordonnée et résolue, le pays risquait de s’enfoncer dans une situation économique difficile.
Huit mois plus tard, l’agence de notation S&P abaissait à son tour la note du Sénégal de B à B-, assortie d’une perspective négative. Dans un autre article publié sur Wannel TV, CNM.sn, SeneNews, etc., nous soulignions à nouveau que cette nouvelle dégradation constituait bien plus qu’un simple avertissement. Elle appelait à une gestion macroéconomique plus rigoureuse, à des ajustements budgétaires urgents et à un travail de fond pour restaurer la confiance des investisseurs. Sans cela, prévenions-nous, une nouvelle dégradation serait inévitable.
Hélas, cette mise en garde s’est confirmée aujourd’hui. Moody’s a de nouveau abaissé la note du Sénégal, de B3 à Caa1, tout en maintenant une perspective négative. Selon Investing.com, « cette dégradation reflète les risques accrus liés à la trajectoire de la dette du Sénégal et à sa position de liquidité depuis février 2025 ». L’agence précise également que « les progrès plus lents que prévu dans la mise en place d’un nouveau programme avec le FMI ont contraint le gouvernement à dépendre davantage du marché régional, plus coûteux, augmentant ainsi les risques de liquidité et détériorant la soutenabilité de la dette ».
Cette nouvelle dégradation intervient dans un contexte à la fois porteur d’espoir et empreint de fragilité.
Porteur d’espoir, car le Sénégal vient de clôturer la deuxième édition du Forum de l’investissement (FII Sénégal), avec 13 211 milliards de F CFA d’engagements annoncés. Si une part significative de ces promesses se concrétise, elles pourraient constituer un véritable levier de relance économique et redonner confiance aux marchés. Mais à la lumière de cette nouvelle dégradation, une question demeure : l’espoir est-il encore permis ?
Fragile, car le débat autour de la « dette cachée » refait surface sur la scène publique, ravivant les incertitudes. La décision de l’ancien président Macky Sall de s’exprimer sur le sujet, conjuguée au report du vote du FMI sur une dérogation qui aurait permis au Sénégal d’accéder à de nouvelles liquidités dans l’attente d’un programme formel, entretient un climat incertain.
Pourtant, nous avions déjà alerté, dès les premières déclarations de l’ancien président et la réponse du ministre de l’Economie, dans une contribution publiée par LIIQuotidienintitulée : « Enterrons le débat sur la dette cachée pour restaurer la confiance et relancer l’économie sénégalaise ». Nous insistions sur le fait que l’urgence n’est plus à la polémique, mais à la mobilisation des leviers économiques pour renouer avec les marchés financiers internationaux.
Nous le réitérons avec la même conviction. Plutôt que de s’enliser dans des débats sur des chiffres contestés, le Sénégal doit rétablir rapidement sa crédibilité financière en publiant, par exemple, les résultats de l’audit de la dette confié à ForvisMazars, ainsi que celui transmis par le Ministère des Finances à la Cour des comptes, afin de clore définitivement le débat de la « dette cachée ». Il convient également de renforcer la transparence et la gouvernance, notamment par la reprise de la publication trimestrielle du Bulletin statistique de la dette publique. Par ailleurs, il est temps d’adopter officiellement une référence claire des politiques publiques : la Vision Sénégal 2050 et le Plan de redressement économique et social doivent être présentés à l’Assemblée nationale pour adoption et rendus publics. Ces initiatives permettront au Sénégal de mieux valoriser, auprès des agences de notation et des marchés financiers, les réformes engagées et à venir, afin de consolider la stabilité budgétaire et la soutenabilité de la dette publique.
L’effet multiplicateur de ces mesures serait sans doute renforcé par la signature d’un nouvel accord avec le FMI. Un tel programme dépasse la dimension financière, il constitue un gage de crédibilité, de rigueur et de discipline budgétaire. Pour les marchés et les agences de notation, le FMI représente un label de confiance. En effet, un accord avec le FMI traduit la volonté politique du gouvernement de mener des réformes structurelles, de garantir la transparence de la gestion publique et de préserver la soutenabilité de la dette, ce qui rassure les créanciers sur la trajectoire économique du pays.
Dans le cas du Sénégal, un nouveau programme assorti d’objectifs clairs de consolidation budgétaire et de modernisation de l’administration fiscale servirait de catalyseur pour une amélioration progressive de la note souveraine.
Enfin, il est essentiel d’apaiser le climat politique et social, et de mettre en place une communication officielle coordonnée, proactive et crédible du gouvernement, centrée sur les mesures et résultats concrets et la transparence des politiques publiques, plutôt que sur des polémiques. Une telle approche renforcerait la confiance des investisseurs et des agences de notation, ouvrant la voie à une amélioration durable de la note souveraine du Sénégal.
Nous disons oui à l’appel de la patrie !!!
Dr. Balla KHOUMA
Statisticien Economiste