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Quand les paroles rattrapent les actes : l’article 80 toujours en vigueur sous le gouvernement Sonko ( Par Elhadji Fallou Khouma, journaliste)

Le 22 juin 2020, alors farouche opposant au régime de Macky Sall, Ousmane Sonko dénonçait vigoureusement l’article 80 du Code pénal sénégalais, qu’il qualifiait sans ambages d’« hérésie juridique ». Dans un post publié sur X (ex-Twitter), il déclarait :

« L’article 80 est une hérésie juridique qui doit disparaître de notre corpus pénal. Celui qui est allergique à la critique ne doit même pas diriger une famille ou un parti, a fortiori un État. »

Une déclaration qui, à l’époque, avait trouvé un écho favorable chez les défenseurs des droits humains et les activistes, tant l’article 80 — souvent utilisé pour museler les voix dissidentes sous couvert d’atteinte à la sûreté de l’État — symbolisait les dérives autoritaires du pouvoir.

Aujourd’hui, ironie du sort : Ousmane Sonko est devenu Premier ministre du Sénégal, chef du gouvernement d’un régime qui se présente comme celui de la rupture, et pourtant… l’article 80 est toujours en vigueur. Pire, il pourrait continuer d’être brandi comme arme juridique pour réprimer certains opposants et activistes, à l’image des pratiques que le leader de Pastef dénonçait hier.

Cette situation suscite de nombreuses interrogations dans l’opinion. Des observateurs, y compris parmi ses sympathisants, s’étonnent de l’absence de réforme législative concrète sur cette disposition, alors même que la coalition au pouvoir dispose désormais d’une majorité politique et morale suffisante pour engager une refonte du Code pénal.

Certes, gouverner impose des responsabilités nouvelles et des arbitrages complexes. Mais pour beaucoup, le maintien de l’article 80 dans l’arsenal judiciaire sénégalais constitue une forme de trahison symbolique, voire une incohérence entre le discours d’hier et la pratique d’aujourd’hui.

Des voix s’élèvent désormais pour exiger que le Premier ministre tienne sa promesse de 2020. La suppression de cette disposition — souvent jugée floue, sujette à interprétation abusive, et en contradiction avec les principes démocratiques — serait perçue comme un acte fort en faveur des libertés publiques et de la cohérence politique.

Dans un pays en quête de refondation institutionnelle, le silence prolongé sur l’article 80 pourrait rapidement devenir un symbole d’immobilisme, voire un angle mort du nouveau pouvoir.

Reste à savoir si le Premier ministre Sonko acceptera d’assumer cette contradiction ou s’il choisira d’honorer la parole qu’il avait lui-même portée, dans une époque pas si lointaine où il incarnait l’espoir d’un Sénégal débarrassé des lois liberticides.

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