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Retour d’Ousmane Sonko à l’Assemblée nationale : entre droit et politique, un débat sous tension

La question du retour d’Ousmane Sonko à l’Assemblée nationale, après son passage à la Primature, enflamme les débats au Sénégal. Loin d’être une simple formalité, cette éventualité met en lumière les zones grises de la législation sénégalaise sur l’incompatibilité entre fonctions ministérielles et mandat parlementaire.

Un cadre juridique en mutation

Depuis la révision constitutionnelle du 2 août 2023 (loi n° 2023/13), le principe d’incompatibilité entre mandat de député et fonctions gouvernementales a été précisé. L’article 54 révisé dispose désormais que “le député nommé membre du gouvernement ne peut siéger à l’Assemblée nationale pendant la durée de ses fonctions ministérielles”, ce qui laisse entrevoir une suspension temporaire du mandat plutôt qu’une démission définitive.

Le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, dans son article 124, va dans le même sens : “Il est provisoirement pourvu à son siège vacant par le suppléant de droit […] La suppléance cesse au plus un mois après la fin des fonctions du membre du Gouvernement concerné, sauf en cas de renonciation écrite irrévocable.” Ainsi, un retour au Parlement reste théoriquement possible si aucune renonciation formelle n’a été actée.

Deux lectures, deux camps

Cette possibilité de retour divise profondément les juristes et acteurs politiques.

Pour les partisans d’un retour, comme Amadou Bâ, Vice-président de l’Assemblée nationale, il ne fait aucun doute que Sonko reste député en sursis : “Le Premier ministre n’a jamais démissionné. Il a simplement suspendu son mandat comme le permet le nouveau Règlement intérieur.” À ses yeux, l’article 124 fixe clairement le processus de suspension et de réintégration du député, et Sonko pourrait retrouver son siège dès la fin de ses fonctions gouvernementales.

Mais pour d’autres, comme Doudou Wade, ancien président du groupe parlementaire libéral, l’issue est toute autre : “Ousmane Sonko a perdu définitivement son mandat. Il a été remplacé, la page est tournée.” L’expert électoral Ndiaga Sylla, lui, s’appuie sur la condamnation judiciaire de Sonko pour remettre en cause même sa réintégrabilité : “La condamnation pénale définitive entraîne, selon l’article 61 alinéa 4 de la Constitution, la radiation de la liste des députés sur demande du ministre de la Justice.”

Même si la loi d’amnistie adoptée récemment pourrait annuler les effets de l’inéligibilité, certains estiment qu’elle ne saurait effacer les conséquences institutionnelles d’un arrêt définitif de la Cour suprême.

Une affaire juridique, mais aussi politique

Ce débat dépasse le seul champ du droit. Il s’inscrit dans un contexte politique tendu où chaque mot, chaque interprétation, prend une portée stratégique. Le retour ou non d’Ousmane Sonko à l’hémicycle symboliserait, aux yeux de ses partisans, la reconnaissance pleine et entière de ses droits civiques après des années de bras de fer judiciaire.

Mais la décision finale pourrait bien dépendre d’une institution : le Bureau de l’Assemblée nationale, seul habilité à réintégrer un député suspendu. Son positionnement, ainsi que celui du ministère de la Justice en cas de radiation sollicitée, seront déterminants.

En attendant, la question reste en suspens, alimentée par des arguments juridiques solides de part et d’autre, mais aussi par une lutte politique toujours vive autour de la figure d’Ousmane Sonko.

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