Dans une lettre poignante adressée au président Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko, l’avocat et conseiller politique franco-sénégalais Robert Bourgi, figure influente des cercles diplomatiques et politiques africains, exprime une inquiétude profonde pour l’avenir du Sénégal.
Dès les premières lignes, le ton est donné. « Je vous parle aujourd’hui avec le cœur lourd… et l’esprit libre », écrit-il, revendiquant une parole libre, sans compromission ni calcul. Fidèle à son style direct, Bourgi ne mâche pas ses mots. Il rappelle son soutien passé au parti Pastef, y compris lors des périodes les plus critiques, mais se démarque sans ambiguïté de toute dérive autoritaire ou revancharde.
Un soutien devenu critique
L’avocat affirme avoir accompagné le combat du tandem Sonko-Diomaye quand « beaucoup se taisaient », mais il refuse de taire les dérives qu’il dit aujourd’hui observer. « J’ai peur pour mon pays. J’ai peur pour le Sénégal », confesse-t-il, insistant sur un climat de méfiance croissante, de gouvernance hésitante et d’économie vacillante.
Il s’inquiète de la perte de confiance du peuple, des partenaires financiers et des investisseurs, et va jusqu’à évoquer un recours à des emprunts « sans vérification de l’origine des fonds », soulevant le spectre d’un possible financement opaque impliquant blanchiment ou terrorisme.
Des critiques sévères contre la justice
Mais c’est surtout sur la justice que Robert Bourgi frappe fort. Il dénonce une « justice instrumentalisée », et appelle à la fin de l’impunité concernant les plus de 80 morts des troubles de 2021 à 2023, tout en alertant contre les arrestations jugées arbitraires de plusieurs responsables de l’ancien régime, dont des figures comme Sophie Gladima, Mansour Faye, Lat Diop ou Farba Ngom.
« La justice ne doit pas devenir un outil de vengeance », martèle-t-il, réclamant un retour à l’impartialité et au respect de l’État de droit.
Une diplomatie affaiblie, un modèle en perte de vitesse
Robert Bourgi déplore également la chute de l’image internationale du Sénégal, en particulier sur le plan diplomatique. Il cite le cas d’Amadou Hott, battu à l’élection à la tête de la BAD, comme un symbole d’un affaiblissement du rayonnement sénégalais.
Il condamne par ailleurs les vagues de licenciements au Port autonome de Dakar, les pressions fiscales sur les entreprises, et les inquiétudes croissantes des investisseurs. Le tableau est sombre, mais le ton reste empreint d’espoir lucide.
Un appel à l’apaisement et à la responsabilité
Face à ce constat alarmant, Bourgi appelle les dirigeants à ne pas céder aux extrêmes ni aux « faucons ». Il les exhorte à l’unité, à la justice, à la paix et à la responsabilité historique : « L’heure viendra où vous serez jugés, pas par vos partisans, mais par l’Histoire. »
Clôturant sa lettre par un proverbe à la fois économique et politique — « un pauvre n’a jamais fait vivre un pauvre » —, Robert Bourgi rappelle la nécessité d’une politique inclusive, tournée vers la création de richesse, loin des slogans et des règlements de compte.
Un message fort, qui sonne comme une mise en garde… mais aussi une main tendue.